Transcription
1 PENELOPE DOUGLAS DARK Desire
2 À PROPOS DE L AUTRICE Après avoir passé son adolescence à essayer de faire plaisir à tout le monde, Penelope Douglas a un jour décidé de faire ce qu elle voulait, elle. Elle a traversé le Japon en train, sauté du haut d une cascade et commencé à écrire des romances intenses et passionnées, à son image. Comme elle, ses héros brisent les règles, affrontent leurs peurs et leur part d ombre. Et c est sous le soleil de Las Vegas, entourée de son mari et de sa fille, qu elle travaille tous les jours à trouver l équilibre parfait entre émotion et drame, sexe et danger, amour et haine. Une révélation New Adult.
3 PENELOPE DOUGLAS Dark Desire Traduit de l anglais (États-Unis) par TYPHAINE DUCELLIER
4 Titre original : HIDEAWAY 2017, Penelope Douglas. 2018, HarperCollins France pour la traduction française. 2020, HarperCollins France pour la présente édition. Tous droits réservés, y compris le droit de reproduction de tout ou partie de l ouvrage, sous quelque forme que ce soit. Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. Cette œuvre est une œuvre de fiction. Les noms propres, les personnages, les lieux, les intrigues, sont soit le fruit de l imagination de l auteur, soit utilisés dans le cadre d une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, des événements ou des lieux, serait une pure coïncidence. HARPERCOLLINS FRANCE 83-85, boulevard Vincent-Auriol, PARIS CEDEX 13 Tél. : ISBN
5 Pour Z. King «Un homme ne peut pas détruire le sauvage qui est en lui en niant ses impulsions. La seule façon de se débarrasser d une tentation est d y céder.» Robert Louis Stevenson, L Étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde
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7 1 Kai La pluie était semblable à la nuit. On pouvait être une personne différente aussi bien dans l obscurité que sous les nuages. Je ne sais pas trop à quoi c était dû. Peut-être que c était l absence de soleil et la façon dont ça aiguisait nos autres sens, ou le voile subtil qui dissimulait des choses à notre vue. Toujours est-il que certains gestes ou certains comportements n étaient acceptables qu à certaines heures. Retirer sa veste et remonter ses manches de chemise. Se servir un verre et se détendre. Rire avec ses amis et crier devant un match de basket à la télé. Suivre dans les toilettes d un pub une fille qu on a baisée du regard pendant une heure et être gratifié d un hochement de tête approbateur de la part de ses amis quand on en ressort. Essayez de faire ça dans la journée avec la stagiaire du bureau. Non pas que j aimerais jouir de la liberté de faire tout ce que je voudrais à n importe quel moment. Les choses prenaient de la valeur lorsqu elles étaient rares. Mais chaque matin, lorsque le soleil se levait, le nœud dans mon estomac se resserrait sous le coup de l impatience. La nuit allait retomber. Mon masque à la main, je me tenais sur le palier du 9
8 premier étage, à regarder Rika, assise dans sa voiture. Elle avait la tête baissée. En dépit des trombes d eau qui s abattaient sur son pare-brise, on pouvait voir son visage, éclairé par la lumière de l écran de son portable. Je secouai la tête, les dents serrées. Elle n écoute vraiment rien de ce qu on lui dit. Je regardais la fiancée de mon meilleur ami finir de pianoter. Puis la lumière de l écran s éteignit et elle ouvrit sa portière, sortit de la voiture et se mit à courir sous la pluie battante. Je l examinai attentivement. Yeux et tête baissés. Clés serrées dans son poing. Bras au-dessus de la tête pour se protéger de la pluie, bloquant son champ de vision. Totalement inconsciente. La victime parfaite. Je desserrai le harnais à l arrière de mon masque (une tête de mort argentée) et l enfilai. L intérieur épousait de près les contours de mon visage. Tout autour de moi m apparut comme dans un tunnel. Je ne pouvais voir que ce qui se trouvait droit devant moi. Une sensation de chaleur naquit dans mon cou, s étendant jusque dans ma poitrine. J inspirai une longue bouffée d air frais, le cœur battant, en proie à une faim grandissante. Soudain, le bruit de la pluie, qui tombait en trombe dans l allée dehors, envahit le dojo et la lourde porte en fer claqua au rez-de-chaussée. Il y a quelqu un? cria-t elle. Le son de sa voix résonna dans le bâtiment vide. Mon cœur cogna plus fort dans ma poitrine et je fermai les yeux pour savourer la sensation. Je restai planté sur le palier, en attendant qu elle me trouve. Kai? l entendis-je appeler. Je ramenai la capuche de mon sweat noir sur ma tête et me tournai pour regarder par-dessus la rambarde. Il y a quelqu un? demanda-t elle à nouveau, d un ton plus pressant, cette fois. Kai, tu es là? Je vis ses cheveux blonds d abord. C était toujours la première chose que remarquaient les gens chez Rika. Dans 10
9 l obscurité de son penthouse, dans l obscurité de ce dojo, dans l obscurité de l allée, dans les pièces sombres et dans les rues sombres elle se démarquait toujours. J agrippai la rambarde en acier, les pieds solidement ancrés dans le sol, et je l observai avancer lentement dans le hall principal. Elle appuya sur les interrupteurs pour allumer les lumières. Mais rien ne se produisit. Elle regarda à droite et à gauche, tout à coup sur le quivive, avant d actionner à nouveau les interrupteurs. Toujours rien. Sa respiration s accéléra tandis qu elle resserrait son étreinte autour de la lanière de son sac. La tête penchée sur le côté, les yeux toujours rivés sur elle, je retins un sourire. J aurais dû lui signaler ma présence. Jouer franc-jeu, lui dire que j étais là et qu elle était en sécurité. Mais plus j attendais, plus je restais caché sans faire de bruit, plus elle semblait nerveuse. Et, tandis qu elle avançait dans la pièce en contrebas, je ne pouvais pas m empêcher de vouloir profiter pleinement de ce moment. Elle était confuse. Effrayée. Intimidée. Elle ne savait pas que j étais là, juste au-dessus d elle. Elle ne savait pas que j étais en train de l observer en ce moment même. Elle ne savait pas que je pouvais courir jusqu à elle, la coincer et la mettre à terre avant qu elle ait le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Je ne souhaitais pas lui faire peur, et en même temps si. Le pouvoir et le contrôle étaient addictifs. Et je ne voulais pas aimer ça, parce que ça faisait de moi un malade. Ça faisait de moi un autre Damon. Ma respiration commença à s emballer et j agrippai la rambarde plus fort, soudain effrayé par mes propres réactions. Ce n était pas normal. Je sais que tu es là, dit-elle en regardant autour d elle, les sourcils froncés. Mais l expression de bravoure sur son visage était forcée 11
10 et je sentis mes lèvres s étirer malgré moi en un sourire sous mon masque. Son long T-shirt gris dévoilait une de ses épaules. Le haut de sa poitrine et son cou, trempés par la pluie, brillaient. Dehors, le déluge continuait à s abattre sur Meridian City et, à cette heure-ci (et dans ce quartier), les rues étaient vides. Personne ne l entendrait. Il était probable que personne ne l ait vue entrer dans le bâtiment. Et la manière dont elle venait de se mettre à reculer pour sortir de la pièce sombre semblait indiquer qu elle était en train de s en rendre compte. J avançai d un pas. Le sol en métal grinça sous mes pieds et elle leva la tête en direction du bruit. Elle posa son regard sur moi. Je me dirigeai vers l escalier sans la quitter des yeux. Kai? demanda-t elle. Elle s interrogeait sans doute. Pourquoi est-ce qu il ne me répond pas? Pourquoi est-ce qu il porte un masque? Pourquoi est-ce que l électricité est coupée? À cause de la tempête? Qu est-ce qui se passe? J avançai lentement vers elle en silence. Plus je m approchais, mieux je distinguais ses jolies formes. Je ne l avais pas remarqué avant mais des mèches de cheveux mouillés étaient collées à sa poitrine, et les boucles en diamant que Michael lui avait offertes pour Noël brillaient à ses oreilles. Ses tétons pointaient à travers le tissu de son T-shirt. Je sais que c est toi, dit-elle, une lueur inquiète dans ses yeux bleus. Je souris derrière mon masque. Elle voulait paraître confiante mais la tension qui irradiait de son être la trahissait. Tu es sûre? Je décrivis un cercle lent autour d elle. Elle restait obstinément immobile. Est-ce que tu es sûre que c est moi? Je pourrais très bien ne pas être Kai, après tout. Je peux très bien avoir pris son masque. Ou avoir acheté le même. Je m arrêtai derrière elle et tentai de contrôler ma respi- 12
11 ration en dépit de mon cœur qui cognait dans ma poitrine. Je la sentais. Tout comme je sentais l énergie entre mon torse et son dos. Elle aurait dû se retourner. Elle aurait dû être prête à affronter le danger, comme je le lui avais appris. Est-ce qu elle croyait que c était un jeu? Elle tourna la tête, juste assez pour que je puisse voir ses lèvres bouger. Arrête, ordonna-t elle. Ce n est pas drôle. En effet, ça ne l était pas. Michael était parti (il était en déplacement jusqu au lendemain) et Will était probablement en train de se soûler quelque part. Il n y avait que nous. Et, à en juger par les loopings que faisait mon estomac, ce besoin constant de flirter avec les limites pour avoir l impression de tout contrôler n était ni drôle ni sain. Ce n était pas normal que j aie autant envie de continuer. Je l attrapai, enroulai mes bras autour d elle et enfouis mon visage dans son cou. Son parfum rendait mes paupières lourdes et je la sentis retenir son souffle tandis que je resserrais mon étreinte, plaquant mon corps contre le sien. Il n y a que toi et moi, Petit Monstre. Exactement comme je le voulais. Et on a toute la nuit. Kai! cria-t elle en se débattant. Qui ça? Elle pivota pour me faire face, sans cesser de se débattre. Je te connais, depuis le temps. Ta taille, ta silhouette, ton odeur J enfouis mon masque dans son cou et la serrai plus fort. Possessif. Menaçant. Je murmurai : La petite lycéenne en toi me manque, Rika. Je gémis, comme si j aimais la sensation de son corps qui se tortillait contre le mien. Tu étais bien sage à l époque. Elle se figea et son corps tout entier s immobilisa, à l exception de sa poitrine qui montait et descendait au rythme de sa respiration saccadée. Elle commença à trembler dans mes bras. 13
12 Je la tenais. Quelqu un de très proche de nous lui avait dit exactement la même chose un jour, quelqu un qui lui faisait peur, et à présent elle se demandait si j étais cette personne. Damon a disparu l an dernier et il pourrait être n importe où, pas vrai, Rika? J ai attendu ce moment tellement longtemps. Le bruit du tonnerre m interrompit. Retire cette merde, ordonnai-je en tirant sur son T-shirt. J exposai son débardeur et elle poussa un cri. Je veux te voir, putain. Elle retint son souffle, recula et me poussa. Puis elle fit un pas en arrière (la première contre-attaque que je lui avais enseignée lorsque quelqu un vous attrape parderrière), mais je savais ce qu elle s apprêtait à faire, et je décalai mon pied d appui. Allez, Rika! Tout à coup, elle parvint à m échapper en se laissant tomber au sol de tout son poids. Je faillis rire. Elle réfléchissait rapidement. Bien. Je ne lui laissai pas de répit pour autant. Elle se mit à quatre pattes, prête à détaler, mais je me jetai sur elle et agrippai sa cheville. Où est-ce que tu vas, comme ça? la taquinai-je. Elle se retourna et tenta de me donner un coup de pied dans le visage. Je m écartai en riant. Je sens que tu vas être drôle. Si tu savais comme j ai hâte Un petit gémissement franchit ses lèvres. Elle recula avant de se lever d un bond. Le visage déformé par la peur, elle se retourna et se mit à courir en direction des vestiaires. Elle voulait sans doute rejoindre la sortie à l arrière du bâtiment. Je courus après elle et parvins à attraper son T-shirt. Tout mon corps semblait en proie à un incendie. 14
13 Putain. Je sentis un filet de sueur se former dans ma nuque. C est juste un jeu. Je ne vais pas lui faire de mal. C était comme jouer à un deux trois soleil ou à cache-cache quand on était gamins. On savait qu il ne nous arriverait rien si on se faisait prendre et qu on ne ferait de mal à personne en se courant après, mais une sorte de peur irrationnelle nous excitait quand même. C était ça qui me plaisait. Rien de plus. Ce n était pas réel. Je la fis pivoter, j enroulai un bras autour d elle et remontai son genou avec mon autre main pour la soulever. Elle tenta de me donner un coup de genou mais je parvins à l esquiver. Je la plaquai au sol avant de me placer au-dessus d elle. Non! cria-t elle. Elle s agitait dans tous les sens et je forçai l accès pour me loger entre ses jambes. J attrapai ses poignets et les ramenai au-dessus de sa tête pour l immobiliser. Elle continua à se débattre mais ses bras tremblaient. Ses forces commençaient à diminuer. J arrêtai de bouger et je la fixai. Damon et moi avions tous les deux les cheveux et les yeux sombres, même si les siens étaient encore plus noirs que les miens. Dans l obscurité qui nous entourait, c était dur de faire la différence. En revanche, elle pouvait me sentir en train de la menacer, d utiliser ma force sur elle exactement comme lui. J approchai mon visage de sa poitrine et restai là, à quelques centimètres de sa peau. Elle arrêta de se débattre. Sa poitrine se soulevait avec une telle violence qu on aurait pu croire qu elle faisait une crise d asthme. Je relevai la tête vers elle et vis ses yeux se remplir de larmes. Elle était fichue et elle le savait. Il n y avait personne pour m arrêter, personne pour l entendre crier. Elle était là avec un malade masqué qui pouvait la tuer, la torturer et y passer toute la nuit si ça lui chantait. Soudain, son visage parut se fissurer et elle se mit à pleurer, toute volonté de se défendre annihilée par l horreur de ce qui lui arrivait. 15
14 Nom de Dieu. Je retirai rageusement ma capuche et ôtai mon masque, furieux. Arrête de chouiner comme un bébé! hurlai-je. Je tapai un grand coup par terre du plat de la main, juste à côté de sa tête. Repousse-moi! Allez! Bouge! Elle grogna, le visage rougi par la colère, puis passa un bras autour de mon cou pour me faire une cravate, avant d enfoncer le pouce et l index de sa main libre dans mes yeux. Ce n était pas la contre-attaque du siècle, mais ça suffit à me surprendre et à me faire relâcher mon étreinte suffisamment longtemps pour qu elle parvienne à me gifler. Lorsque je reculai, elle se leva, attrapa son sac et me le balança au visage. Je poussai un grognement de douleur et voulus lui arracher des mains, mais elle fut plus rapide. Elle courut jusqu au mur, s empara d un des sabres de kendo et se mit en position, le shinai en bambou fièrement dressé devant elle. Je m assis sur mes talons et me frottai le visage avant d inspecter ma main, pour m assurer que je ne saignais pas. Je soupirai et reposai les yeux sur elle. La peur était en train de la quitter pour faire place à de la colère. L adrénaline courait toujours dans mes veines et j inspirai profondément. J eus l impression d être dix fois plus lourd lorsque je me relevai. Je n aime pas ce genre de piège tordu! cria-t elle. C est censé être un endroit sûr, ici. Je battis des paupières et lui lançai un regard désapprobateur. Aucun endroit n est sûr. Je me dirigeai vers l escalier et retirai mon sweat avant de monter les premières marches. Tu n étais pas sur tes gardes, dis-je en attrapant la bouteille d eau que j avais laissée près de la fenêtre. Je t ai observée. Tu avais le nez sur ton portable dans la rue. 16
15 Tu as à peine réussi à me repousser. Tu as perdu trop de temps à paniquer. Je bus de longues gorgées d eau, assoiffé par l exercice mais aussi électrisé par le trop-plein de réflexion, d inquiétude et de planification. J avais besoin de ça. Les nuits où je pouvais me lâcher me manquaient. Les nuits où j avais des amis avec qui me perdre, des années plus tôt. Le bruit des pas de Rika retentit dans l escalier. Les lumières de Meridian City brillaient par la fenêtre, de l autre côté de la rivière, dans un contraste saisissant avec l obscurité de cette rive-ci. J ai retenu tout ce que tu m as appris. Je te faisais confiance et je ne t ai pas pris au sérieux. Si ça se reproduit, je saurai gérer le moment venu. Tu aurais dû gérer il y a deux minutes. Et si ça avait été quelqu un d autre que moi? Qu est-ce qui te serait arrivé? En apercevant l éclat de douleur dans ses yeux tandis qu elle regardait par la fenêtre, une pointe de regret me transperça. Je détestais voir cette expression sur son visage. Rika en avait assez bavé comme ça, et je venais de la déstabiliser à nouveau. Je pense que tu as aimé ça, dit-elle doucement sans me regarder. Je pense que ça t a plu. Mon cœur sembla s arrêter de battre un instant. Je tournai la tête vers la fenêtre, moi aussi. Si c était le cas, je n aurais pas arrêté. Elle posa enfin les yeux sur moi. Une voiture passa en contrebas dans un grand bruit d éclaboussures. Moi aussi, je t observe, tu sais. Tu ne parles pas, personne ne sait quand tu manges ni quand tu dors Je replaçai le bouchon sur la bouteille d eau. Je la serrais si fort que le plastique craqua dans ma main. Je savais ce qu elle essayait de dire. Je savais que j étais distant. Mais il fallait que je garde tout à l intérieur. Autrement, je risquais de laisser s échapper les mauvaises choses. Alors c était mieux comme ça. 17
16 C était de pire en pire, ces derniers temps. Tout partait en vrille. Elle et Michael étaient dans leur bulle et Will était sobre à peine quelques heures par jour. J étais plus seul que jamais. Tu es comme une machine. Elle marqua une pause pour inspirer profondément. Tu n es pas comme Damon. Tu es impossible à cerner. Nouvelle pause. Sauf quand tu portes ton masque. Tu as aimé ça, pas vrai? C est la première fois depuis je ne sais pas combien de temps que je t ai vu ressentir quelque chose. Je me tournai vers elle, radouci. Tu n es pas tout le temps avec moi, plaisantai-je. Je soutins son regard pendant un moment. On savait tous les deux à quoi je faisais référence. Elle ne me voyait jamais en galante compagnie. Elle rougit légèrement et m offrit un petit sourire, sans rien ajouter. Je m éclaircis la gorge et changeai aussitôt de sujet. Tu dois travailler tes contre-attaques. Et ta vitesse, aussi. Si tu t arrêtes, tu donnes à ton agresseur une chance de prendre le dessus. Je savais que j étais en sécurité avec toi. Tu ne l es pas, répondis-je sévèrement. Pars toujours du principe qu il y a un danger. Si n importe qui à l exception de Michael te touche, alors il doit en subir les conséquences. Elle croisa les bras sur sa poitrine. Elle ne cachait pas sa contrariété et je la comprenais. Personne ne voulait passer sa vie à être sur ses gardes. Mais elle usait à peine des précautions de base et tous les regrets du monde ne suffiraient pas si elle prenait le risque de trop. Michael n était pas toujours là. Mais quand il l était, au moins, il était avec elle. D ailleurs, ça faisait des semaines que je n avais pas vraiment discuté avec lui. Comment va-t il? m enquis-je. Elle leva les yeux au ciel et la tension dans l atmosphère sembla se diffuser légèrement. 18
17 Il veut aller à Rio ou je ne sais où pour qu on se marie. Je croyais que vous aviez tous les deux décidé d attendre que tu sois diplômée Elle hocha la tête dans un soupir. Je le croyais aussi. Il pense que le mariage me mettra en sécurité, et donc que le plus tôt sera le mieux. Je plissai les yeux. Les parents de Michael et de Rika s attendaient à un mariage à Thunder Bay, et, d après ce que je savais, ça convenait aux futurs mariés. Michael avait insisté pour en faire un grand événement. Il voulait voir Rika remonter l allée en robe blanche, avec tout le tralala. Après tout, il avait grandi en pensant qu elle épouserait son frère, alors ça semblait normal qu il veuille montrer à tout le monde qu elle était à lui. Dans ce cas pourquoi vouloir soudain se marier sans personne, à l autre bout du monde? Soudain, je percutai. Damon. Il a peur qu un mariage en fanfare fasse revenir Damon, dis-je. Rika hocha solennellement la tête, le regard toujours rivé sur les lumières de la ville. Il a raison. Un mariage, des centaines de personnes et Will et moi à ses côtés, c est trop tentant pour l ego de Damon. Il serait incapable de ne pas se pointer. Personne ne l a vu et personne n a eu de ses nouvelles depuis un an. Je serrai les dents en sentant une boule d angoisse se former dans mon estomac. C est précisément ce qui m inquiète. Un an plus tôt, Damon avait voulu que Rika souffre au-delà de l imaginable. On l avait tous voulu, en réalité, mais Damon était allé un peu plus loin. Et, lorsqu on avait refusé de le suivre, on était devenus ses ennemis. Il nous avait attaqués, il s en était pris à Rika, et il avait aidé Trevor (le frère de Michael) à essayer de la tuer. Michael 19
18 avait raison de croire que la colère de Damon ne s était sans doute pas dissipée. Si on avait su où il se trouvait, ça aurait été différent, mais les détectives qu on avait engagés pour le localiser avaient fait chou blanc. Ce qui expliquait pourquoi Michael voulait prendre des mesures afin que Rika reste en dehors du feu des projecteurs, au lieu de faire d elle l héroïne d un grand mariage dans notre riche ville côtière. Tu t en fiches, d avoir un grand mariage, lui rappelaije. Tout ce que tu veux, c est Michael. Alors pourquoi ne pas faire ce qu il suggère? Elle garda le silence pendant un long moment. Lorsqu elle répondit, son regard était perdu dans le vide. Non, murmura-t elle en secouant la tête. Juste derrière St. Killian s, là où la forêt s arrête et où les falaises donnent sur la mer, sous le ciel étoilé Pensive, elle hocha la tête, un beau sourire aux lèvres. C est là que j épouserai Michael. Je l observai, curieux. Elle avait cet air rêveur et perdu. Comme si elle avait toujours su qu elle épouserait Michael Crist et qu elle avait imaginé la scène dans sa tête toute sa vie. Qu est-ce que c est que ce bâtiment? demanda Rika en faisant un geste du menton en direction de la fenêtre. Je suivis son regard, mais je savais déjà de quel bâtiment elle parlait. Si j avais choisi d installer notre dojo ici, ce n était pas par hasard. Je fixai le bâtiment de l autre côté de la rue. Il devait faire trente étages de plus que le nôtre, et la pluie et les lampadaires cassés rendaient sa façade en pierre grise encore plus sombre. Le Pope, répondis-je. C était un sacré hôtel à l époque. Ça l est encore, d ailleurs. Le Pope était à l abandon depuis plusieurs années. Il avait été construit au moment où la ville envisageait d ériger un stade de foot dans la même zone afin d attirer davantage de touristes à Meridian City. Et également dans le but de 20
19 donner un nouveau souffle à Whitehall, le quartier délabré dans lequel on se trouvait. Malheureusement, le stade n avait jamais vu le jour et le Pope avait fait faillite après une lutte acharnée (et vaine) pour rester à flot. Je scannai les fenêtres obscures, les ombres des rideaux à peine visibles. C était difficile d imaginer qu un endroit si grand soit totalement dénué de vie. Impossible, même. Méfiant, j épiai chaque carré, sans toutefois parvenir à distinguer quoi que ce soit. On dirait que quelqu un nous observe. Je sais, répondis-je en inspectant chaque fenêtre une fois de plus. En la voyant frissonner, je ramassai mon sweat et le lui tendis. Elle s en empara, me sourit et reprit la direction de l escalier. Il commence à faire froid. Je n en reviens pas qu on soit déjà en octobre. Ce sera bientôt la nuit du Diable, chantonna-t elle avec une pointe d excitation dans la voix. Je hochai la tête et lui emboîtai le pas. Mais, alors que je jetais un dernier coup d œil derrière moi, un frisson me parcourut : je pensai à la centaine de chambres vides dans l hôtel abandonné de l autre côté de la rue. Et à une nuit du Diable, il n y avait pas si longtemps, où un garçon (moi) avait pourchassé une fille qui aurait pu être comme Rika dans un endroit comme l hôtel que j apercevais par la fenêtre en ce moment même. Sauf qu à la différence de ce soir ce garçon n avait pas su s arrêter. Il avait fait quelque chose qu il n aurait pas dû faire. Je descendis l escalier, marchant dans les pas de Rika, les yeux fixés sur l arrière de sa tête. Elle ne se rendait pas compte à quel point le danger était proche. 21
20 DARK ROMANCE PENELOPE DOUGLAS Dark Desire Ce n était qu un jeu... Maintenant c est une traque. Kai Mori. Beau, riche, talentueux C était l enfant chéri de Thunder Bay jusqu au jour où il a brutalement tourné le dos à son brillant avenir. Un mystère pour tout le monde, sauf pour moi. La même noirceur coule dans nos veines, la même fascination pour le danger et le secret. Ensemble, nous aurions pu être invincibles, peut-être même heureux. Mais nous n aurons jamais l occasion de le découvrir. Car aujourd hui nous sommes ennemis. Et, si Kai s imagine pouvoir détruire ce que j ai de plus cher au monde, je me dresserai sur sa route sans hésiter une seule seconde. «J ai vraiment été bluffée par cette histoire, car l autrice ne nous laisse pas une seconde de répit. c est intense de la première à la dernière ligne!» Les reines de la nuit Traduit de l anglais (États-Unis) par Typhaine Ducellier ,50 Couverture : SKGD-Création - OSTILL is Franck Camhi / Shutterstock